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Ce que nous avons retenu du Congrès Sites et Cités remarquables de France à Figeac les 16 et 17 mai

Les 16 et 17 mai 2019, Connaixens était à Figeac pour le congrès national de l’association Sites et Cités remarquables de France : Patrimoines & Revitalisation.



Nous nous faisons ici l’écho de quelques-unes des présentations de la première journée du 16 mai, consacrée aux thématiques des sites patrimoniaux remarquables (SPR) et de la revitalisation des cœurs de ville, qui intéressent plus particulièrement nos métiers de chercheurs et de médiateurs. Ces interventions actualisent le contexte de notre réflexion et de notre action. Nous proposons donc au fil de notre compte-rendu – orienté – quelques questionnements sur lesquels nous vous invitons au débat en commentaires !


Ouverture du congrès


Après une introduction d’André Mellinger, maire de Figeac, rappelant le parcours économique de sa commune, son industrie aéronautique et son tourisme, Vincent Labarthe, président du Grand Figeac, pose le propos central – selon nous – du congrès : « le patrimoine contribue au sentiment d’appartenance à un territoire ». Conviendrait-il donc de restaurer ce sentiment d’appartenance pour rétablir l’appétence des citoyens pour la ville centre ?


« Donner le désir d’y vivre », ainsi poursuit Martin Malvy, Président de Sites et Cités remarquables de France. Rappelant que, parmi les 250 collectivités membres de l’association, 77 ont été retenues dans le cadre du Plan Actions Cœur de Ville du Ministère de la Cohésion des Territoires, l’ancien ministre voit l’opportunité d’une revitalisation s’appuyant sur le patrimoine. Il cite également le dispositif De Normandie qui remplace le dispositif fiscal Pinel dans l’ancien, constituant un facteur d’attractivité. Le Président se réjouit aussi de la prochaine signature de deux conventions pour l’association Sites et Cités : la première avec l’Établissement Public Foncier (EPF) d’Occitanie, la seconde avec le CEREMA pour le Centre de ressources de la Réhabilitation Responsable du Bâti Ancien (CREBA).


Martin Malvy fait également le bilan des deux années écoulées depuis le dernier congrès national à Calais : 90% des villes à secteurs protégés et 70% des villes et pays d’art d’histoire sont désormais membres de l’association, soit 250 collectivités.


Il réalise enfin une synthèse des récentes modifications législatives qui ont nécessité une mobilisation des associations de défense des patrimoines : la loi NOTRE qui a modifié les compétences des collectivités, la loi LCAP, puis la loi ELAN, qui ont toutes deux requestionné le rôle de l’architecte des bâtiments de France. Il note cependant que si la loi ELAN a donné la possibilité aux élus locaux de passer outre l’avis de l’ABF pour la démolition d’immeubles insalubres, la procédure de permis de construire – à suivre – conserve l’accord de l’ABF, constituant ainsi une limite même à la démolition. L’ABF serait-il alors un verrou ultime à l’absence de prise en compte d’un patrimoine ? Et si le questionnement du législateur se portait à l’avenir non sur l’accentuation de son rôle de censeur, mais plutôt sur celui de conseiller et de passeur de connaissances ? Cette fonction a en effet été assez largement plébiscitée par les élus ruraux lors du dernier colloque de l’ANABF, organisé en décembre dernier à Châteaugiron.


Nous retenons ensuite le discours de Dominique Salomon, Vice-présidente de la Région Occitanie en charge de la Culture, du Patrimoine et des Langues régionales, représentant Carole Delga. Elle présente en effet la nouvelle politique culturelle régionale insistant sur le réseau patrimonial qui offre « une médiation de grande qualité », et, paradoxalement, sur le réseau des sites UNESCO, l’« unique valorisation reconnue ». Elle retient les potentiels du numérique, relève l’hétérogénéité de la formation professionnelle et met en avant l’appui de la Région à la Recherche et au partage de connaissances, donnant l’exemple de la mission de l’Inventaire régional. Dominique Salomon rappelle, enfin, les outils pour la redynamisation territoriale tels que l’appel à projet Bourgs Centres.


L’équipe de Connaixens inscrit donc son action dans la droite ligne de la politique régionale grâce à ses innovations numériques et son souhait de partage de la recherche SHS à destination de la formation professionnelle, du secteur de la construction et de l’immobilier notamment.


Ces propos introductifs se clôturent avec l’intervention pragmatique et remarquable de Nancy Bouché, saluée par l’ensemble des participants au congrès.


Elle constate d’abord que les centres-villes « vont mal », subissant un « phénomène d’extrême paupérisation », encouragé par les politiques publiques favorables à la périurbanisation. Elle soutient également que « l’habitat indigne demeure une réalité ». Le curetage pour retrouver de l’habitabilité, de la desserte, de l’éclairement constituent toujours des problématiques à traiter. Le réveil politique récent des Plans nationaux de revitalisation de quartiers anciens et dégradés (PNRQAD) et de la dynamique des centres-bourgs – qui se renouvellent finalement assez peu à travers le Plan Actions Cœur de Ville –, est ouvert à une sélection de ville. « Et les autres ? » Pour Nancy Bouché, l’Opération de revitalisation du territoire (ORT), occasion manquée de la loi ELAN, n’est qu’une nouvelle Opération programmée d’amélioration de l’habitat Renouvellement urbain (OPAH-RU) à laquelle vient s’ajouter un volet commercial.


Son questionnement se porte alors sur la place de l’habitant qui devrait être centrale – et nous la rejoignons sur ce point –, dans une volonté de réhabiliter et qui se heurte à plusieurs obstacles : la morphologie du bâti, la structure du bâti et la structure de la propriété. Elle déplore que le sujet de la propriété ne soit d’ailleurs pas abordé par les politiques publiques appliquées aux cœurs de ville. Elle opère ainsi un constat : la revitalisation est aujourd’hui basée sur une propriété facile. Or la structure de la propriété de nos centres anciens est bel et bien complexe : division locative anarchique, rez-de-chaussée commerciaux étendus aux R+1, propriété des cœurs d’îlots questionnée, petites copropriétés sous-administrées issues de monopropriétés… « La simplicité est un mythe, il faut une technicité ». La revitalisation repose sur des aides incitatives qui, pour des questions de droit ne peuvent s’appliquer. Les dispositifs coercitifs, le PRI, l’arrêté de péril ou la déclaration d’utilité publique (DUP), créés pour « faire évoluer les points durs » sont, quant à eux, anciens : « ils n’ont pas évolué depuis les années 70 et la création de l’Agence nationale de l’Habitat (ANAH)». Pour Nancy Bouché, les outils d’aménagement ont été consacrés aux grands projets urbains, ils ne sont pas appliqués au centre ancien. Or, les AFU sont des outils d’aménagement. Sa conclusion : « retrouver la dimension opérationnelle du Plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) ».


1ère table ronde : Comment la prise en compte du patrimoine favorise-t-elle la revitalisation des quartiers et centres anciens ?


Nous conservons de ces premiers exemples exposés, les propos de Jean-René Etchegaray, président de la communauté d’agglomération du Pays Basque, qui rappelle que l’État « a toujours la main sur les orientations à donner en termes de patrimoine ». Il prône aussi l’imbrication des approches patrimoniales et urbaines, imbrication concrétisée, au sein de son Établissement public de coopération intercommunal (EPCI), par une direction du patrimoine au sein de sa direction Stratégie territoriale, Aménagement et Habitat. Il est vrai que cette séparation disciplinaire, souvent constatée par nos travaux de recherche, peut être avancée comme l’une des causes des difficultés de gestion des cœurs de ville patrimoniaux aujourd’hui.


Jean-René Etchegaray appelle ainsi à s’intéresser au patrimoine au sein du PLUi. Propos qui fait écho au programme de recherche ANR, auquel Mathieu Gigot et moi-même contribuons, et dont les résultats de recherches seront prochainement publiés sur le blog PLU Patrimonial.


Dominique Salomon, Vice-présidente de la Région Occitanie, raisonne, quant à elle, à l’échelle du projet de territoire, qu’elle qualifie de « contrat sur mesure ».


Attire également notre attention l’intervention de Jean-Marc Vayssouze-Faure, Maire de Cahors. Il met l’accent sur la prise de hauteur nécessaire à la revitalisation des cœurs de ville : il faut « la voir dans sa globalité ». Il énumère plusieurs mesures, telles que le dispositif incitatif « la prime à la sortie de vacances ». Il ajoute les restaurations engagées de bâtiment public comme l’Hôpital de centre-ville, l’embauche d’un manager de centre-ville et la mise en place de boutiques éphémères, ou encore le renfort à la tranquillité publique et à la lutte contre les incivilités. D’autres problématiques demeurent, selon M. le maire de Cahors, malgré le volontarisme politique manifeste : le Plan de prévention contre le risque inondation qui fige les choses et empêche les changements de destination et les fouilles archéologiques imposées aux projets.


D’autres élus communaux présentent à sa suite la revitalisation pour ou par le patrimoine : Lectoure et l’investissement des entreprises du Thermalisme qui permet la restauration du patrimoine hospitalier ; Bayonne, qui fait le choix du curetage en étant accompagné par l’ANAH qui finance les démolitions ; Vitré et son choix de favoriser le retour de l’activité économique en centre-ville par le parking gratuit, le retour des entreprises tertiaires et le retour des services publics, attirés par un cadre de vie mis en valeur par une mise en lumière dans le cœur patrimonial de la cité.


Nous consignons enfin l’intervention de Pierre Méhaignerie, maire de Vitré, qui appuie sur la nécessité du maillage territorial, point que d’autres élus avaient également soulevé à Châteaugiron. Nous appuyons le propos de l’architecte des bâtiments de France Soazick Le Goff-Duchâteau, qui souhaite une coopération territoriale autour des enjeux des centres patrimoniaux à revitaliser. Elle appelle de ses vœux le recours aux professionnels de la médiation (Conseil d’Architecture d’Urbanisme et de l’Environnement, Maison de l’architecture ou Ville d’art et d’histoire…).


Chez Connaixens, nous souhaitons épauler les collectivités dans cette démarche, en positionnant l’outil de médiation dans le parcours de l’habitant ou de l’investisseur désireux de réhabiliter ou de construire.


Atelier n°1 – Les sites patrimoniaux remarquables : une ambition pour nos territoires


Participant à cet atelier dans le cadre de notre veille sur l'application de la loi LCAP, nous retenons de ce dernier un échange sur la réalité des sites patrimoniaux remarquables entre, d’une part, les agents du ministère de la Culture et de la Communication, M. Emmanuel Étienne, sous-directeur des monuments historiques et des espaces protégés et M. Michel Vaginay, directeur du Pôle Patrimoine et architecture de la DRAC Occitanie, et d’autre part, l’expert de Sites et Cités, Jacky Cruchon.


Emmanuel Etienne établit d’abord un premier constat : 836 sites patrimoniaux remarquables ont été créés automatiquement par la loi LCAP et le nombre croît depuis. Il note aussi que 50 communes ont fait la demande de nouveaux sites patrimoniaux remarquables, 4 nouvelles demandes de périmètres et une demande de modification ont ainsi été traitées. 10 projets assez avancés devraient être examinés en 2019. À partir du nombre de sites inscrits urbains, dont la protection serait jugée insatisfaisante, 840 communes « pourraient constituer le vivier des futurs sites patrimoniaux remarquables ». Il pose ensuite la question de la difficulté de mise en œuvre de l’enquête publique et insiste sur l’action de médiation et de valorisation essentielle réaffirmée par la loi. Il conclut que 180 Aires de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine (AVAP) sont encore en cours d’achèvement et enjoint les communes à accélérer leur finalisation pour la fin du mandat. Il souhaite enfin une transparence des travaux de la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture (CNPA), pour limiter les questionnements quant aux critères d’acceptation des nouveaux périmètres.


Michel Vaginay complète ce propos en rapportant la dynamique en Occitanie des 17 sollicitations de périmètres de sites patrimoniaux remarquables en Commission régionale du patrimoine et de l’architecture (CRPA) en 2019, contre 3 en 2018 et observe une montée en puissance. Il opère par ailleurs un constat à son tour : une moyenne de 8 ans pour faire aboutir un SPR. Il est convaincu que ce temps, sensiblement court, est le fruit d’un travail commun entre service urbanisme et service patrimonial – une ingénierie, en synergie avec l’architecte des bâtiments de France (ABF) – et d’un travail de pédagogie en direction des élus et des administrés, à l’image de la commune de Pont Saint-Esprit. Pour lui, la dynamique de l’intercommunalité provoque la mise en œuvre de chapelets de SPR, car les communes bénéficient de l’ingénierie de l’EPCI. L’investissement de l’État en Occitanie pour accompagner ces demandes est en 2019 de 900 000€ pour des délimitations, des PSMV, des Plans de valorisation de l’architecture et du patrimoine (PVAP) ou des Périmètres délimités des abords (PDA).


L’enthousiasme des acteurs de l’État est minimisé par l’intervention de Jacky Cruchon, appelant dès le début de son intervention une circulaire pour clarifier le propos de la loi qui pose quelques problématiques de terrain.

Il évoque dans un premier temps des situations de SPR bloqués par les intercommunalités, dans le cas de SPR amorcés par les communes. Il observe une absence de liaison entre commune – qui conserve la gestion du SPR – et intercommunalité – qui a acquis la compétence d’urbanisme. « Seul le maire participe à la commission locale », une possibilité d’ouvrir le texte ? Il se soucie d’«une distance au territoire » et donc d’une absence de lien de proximité, de dialogue pour l’instruction du droit des sols.

Ensuite, Jacky Cruchon observe des incompréhensions à l’échelle de la CNPA, d’aucuns auraient été retoqués comme n’étant pas suffisamment « remarquables ». Quid des critères ? Il complète son propos en présentant le cahier des charges figé à l’avance prévoyant une tranche ferme pour la définition du périmètre et une tranche optionnelle pour son contenu de type PVAP. Est-ce que la définition à l’avance de la protection n’est pas hasardeuse et ne devrait pas faire suite à l’étude ? Le PSMV étant présenté plus tôt dans la journée comme « l’outil de réhabilitation du logement des centres anciens ». En cas de modification de périmètre « la procédure est lourde par ailleurs, est- ce que cela ne va pas encombrer la commission nationale ? » Il conclut en affirmant la nécessité de réintroduire une évaluation énergétique pertinente, avec le CREBA, remplaçant l’étude environnementale peu satisfaisante, qui n’existe plus.

Enfin, pour Jacky Cruchon, la médiation n’est « pas rentrée dans les mœurs ». Raphaël Gérard, Député et co-rapporteur d’une mission d’évaluation de la loi LCAP, le rejoint en appelant de ses vœux la construction d’une culture commune et d’un langage commun, qui sera le résultat d’une co-construction des outils (SPR, PSMV et PVAP).


Si cet atelier – et plus largement cette journée – a proposé un débat de fond sur l’application de la loi LCAP et sur les évolutions à prévoir, est surtout pointé ce que nous constations par la Recherche : le défaut de culture commune spécifique des acteurs locaux, à savoir les élus, les corps techniques et les administrés[1].


L’équipe de Connaixens rejoint ainsi le propos conclusif de Jean-Pierre Leleux, Sénateur et Président de séance, qui évoque comme premier enjeu – et c’est ainsi que nous le positionnons dans notre démarche, « un enjeu de sensibilisation, de médiation, d’appropriation et de partage de la politique patrimoniale locale ».



Retrouvez l’ensemble des interventions sur le site de Sites et Cités remarquables de France, ainsi que l’ensemble des enregistrements audio sur le site Sondekla.

[1] « Sous-partie 2-A : Un conflit de valeurs culturelles à l’origine du conflit urbain », pp. 213-329. Marchand J. 2018. Les espaces protégés au titre du patrimoine urbain : analyse des conflits dans le cadre des demandes d’autorisation d’urbanisme. Transmission et appropriation des politiques publiques, Université de Tours, Thèse de doctorat, 610p.

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