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Mais qui est donc l'architecte des bâtiments de France ?

A.B.F.Trois lettres qui interviennent lorsque l’on souhaite réaliser des travaux à proximité ou au sein d’un patrimoine protégé. Ces trois lettres raisonnent familièrement aux oreilles des architectes spécialistes ou des conservateurs du patrimoine. Elles sont le quotidien de l'instructeur, qui exerce son métier sur un territoire où le patrimoine est reconnu et protégé. Elles cristallisent les tensions du Parlement à chaque modification des textes de lois relatifs à l'architecture, à l'urbanisme, au patrimoine ou au logement. Elles apparaissent en signature d’un courrier répondant au projet de travaux d’un demandeur.


L’ABF donc. Qui est donc cet architecte qui s'occupe des "bâtiments de France" et non des "monuments historiques"? Quelle place occupe-t-il sur un territoire ? Appartient-il à la fonction publique de l’État ou de la Commune ?

Est-il un conseiller ou un « empêcheur de tourner en rond »? Pourquoi est-il tant redouté par certaines professions de la construction et par certains élus?

Plusieurs articles de notre blog apporteront des éléments de réponses à ces questionnements que tout interlocuteur de l'ABF peut se poser. Nous commençons ici par quelques jalons historiques.


L'architecte des bâtiments de France - ou l'#ABF - a eu, dès sa première mission, maille à partir avec ses détracteurs. En 1946, la création du corps d’État des ABF est une réponse à la naissance du périmètre de 500 mètres des #abords de monument historique. Ces nouveaux espaces ont besoin d’être surveillés. Les ABF endossent ce rôle.Ce périmètre est créé, en 1943, par un pouvoir exécutif fort, et unique décisionnaire par temps de guerre. Le Parlement n’a alors pas son mot à dire.

Les ABF sont donc d'abord des gestionnaires de ces ronds bêtes et méchants.

Par ailleurs, le Parlement et ses élus n'ont pas eu voix au chapitre sur la définition de ces espaces souvent contestés, relevant de la première responsabilité de l’ABF. De quoi présager de rapports des plus cordiaux entre ce représentant de l'État et les élus des collectivités de son territoire pour les décennies à venir.


L'architecte des bâtiments de France est-il un architecte des monuments historiques ? Non. Ce sont là deux métiers distincts. Pour autant, ils ont tous deux suivis l'enseignement de l'École de #Chaillot. Le concours qu'ils ont obtenu varie cependant. Les anciens architectes ordinaires des monuments historiques étaient assimilés à un assistant de l'architecte en chef des monuments historiques (ACMH). Mais lorsque ces derniers rejoignent le corps nouvellement créé des architectes des bâtiments de France, le lien de subordination est rompu.


Si l’ABF est un fonctionnaire d’État et touche un traitement fixe, l’ACMH réalise des vacations payées au prorata des travaux qu’ils dirigent. L’ABF exerce des missions de conseil, d’assistance à maîtrise d’ouvrage, de contrôle. L’ACMH est un maître d’œuvre spécialiste qui exerce cette compétence, avant tout, sur les monuments historiques classés.

Pour simplifier, si l’on devait opérer une distinction, il semble que la gestion du patrimoine de proximité, ou du monument local soit une prérogative de l'architecte des bâtiments de France. Le bâti hors du commun, monumental et dont l'intérêt national est retenu entrerait alors dans le champ de la maîtrise d’œuvre du seul architecte en chef des monuments historiques.


L’architecte des bâtiments de France a-t-il suivi au préalable la même formation qu’un #architecte exerçant en libéral, ou en tant que salarié d’une agence d’architecture ? Oui. L'ABF est un architecte diplômé d'une École nationale supérieure d'architecture – ou d'une Unité pédagogique d'architecture pour les plus anciens – ayant poursuivi à l’École de Chaillot un parcours de spécialité et obtenu le concours. Cependant, il n'est plus, depuis 2004, maître d'oeuvre, ni sur son territoire départemental, ni sur des territoires voisins. Il ne peut donc plus exercer le métier d'architecte cumulé à celui de l'architecte des bâtiments de France, fonctionnaire d'État.


Architecte certes, l'ABF serait aussi urbaniste, puisque en charge de la surveillance des espaces, des ensembles, des morceaux de ville, situés dans le périmètre du monument historique. Cette compétence ne lui a cependant été reconnue par l'État qu'en 1993, avec son intégration au corps des architectes et urbanistes d'État, les #AUE. En effet, si les périmètres des abords font office de nécessité pour créer sa fonction, les choix esthétiques, la conservation des perspectives monumentales sont alors ses seules prérogatives.

Les nombreux espaces patrimoniaux protégés, créés par la suite, ont enrichi sa mission, diversifié ses fonctions, ainsi que son approche : on peut notamment ici faire référence au secteur sauvegardé, à la zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (devenue l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine), aujourd'hui transformés, en application de la récente loi #LCAP, en sites patrimoniaux remarquables. Toutes ces protections ont peu à peu intégré des approches et des règlements urbains dont l’ABF est devenu le garant. L'ABF a finalement acquis sa qualité d’urbaniste avec l'expérience du territoire.


Mais alors en tant qu'urbaniste appartient-il au ministère de la #Culture? Ou bien à celui de « l'Équipement » ou de l’#Aménagement? Car finalement l’architecture et l'urbanisme, sont-elles des fonctions culturelles ? Longue déambulation qu'est celle de l'architecte des bâtiments de France entre les compétences ministérielles ! D'abord intégré à la Direction de l’architecture du Ministère des Affaires culturelles d’André Malraux, il rejoint l'Équipement en 1979, pour finalement s'attacher définitivement au Ministère de la Culture et de la Communication en 1995. À l’échelle départementale, il est d’abord à la tête d’une Agence des bâtiments de France, pendant la Reconstruction d’après-guerre, puis à la tête du Service départemental de l’architecture – et du patrimoine. Ce service, devenu un temps territorial à défaut de départemental, s’appelle aujourd’hui l’Unité départementale de l’architecture et du patrimoine (UDAP).


Nous constatons par ailleurs, récemment, plusieurs coups de canifs à la fonction. En 1997, l’autorisation accordée au demandeur, d’avoir recours au Préfet en cas de désaccord avec l'avis de l'ABF, est une première remise en question. La suppression, puis le rétablissement, de son avis dit conforme[1] au moment des débats parlementaires de la loi Grenelle II, en 2010, en constitue la seconde. Le récent débat ministériel sur sa mission prioritaire de conseil au détriment de celle de contrôle, à l'occasion de la loi #ELAN, a fragilisé cette profession.


Nous entrerons prochainement dans les coulisses de la fonction. Nous examinerons dans deux prochains articles quelle posture peut revêtir l'architecte des bâtiments de France dans son rapport au projet et comment cette fonction est incarnée aujourd'hui.

[1] Auquel le maire, en charge de l’application du droit des sols, doit se conformer.

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