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[PLU Patrimonial] : 1er temps d’échanges - "Quels patrimoines dans le PLU?"

Cet article est une restitution écrite des débats qui ont suivi les propos introductifs et les interventions de la première session sur "Quels patrimoines dans le PLU?"



Le débat est ensuite animé par Bruno Marmiroli, directeur de la Mission Val de Loire UNESCO.

Bruno Marmiroli revient sur le modèle vertueux supposé dynamique et ascensionnel du POS au PLUi Patrimonial, remis en cause par un effet cliquet du choix politique.


Il introduit le débat en posant la question du QUI s’approprie et protège le patrimoine, QUI à la manœuvre derrière le PLU. Vincent Veschambre répond à cette question en précisant que les acteurs ont été identifiés par les différentes interventions successives : les élus, les techniciens ou les citoyens.


Bruno Marmiroli en appelle au projet Patrimoine Bien commun, mené en parallèle par le laboratoire CITERES et la Mission Val de Loire, pour l’analyse d’un patrimoine de proximité approprié par les habitants. Mathieu Gigot rappelle "l’Apérodrone", démarche participative qui prévoit le recueil de discours d’habitants à partir de photos du territoire prises par un drone.


Julie Marchand rappelle que la culture des acteurs est au centre pour le recensement, la sélection et l’articulation réglementaire. Comment le patrimoine a intégré le parcours de ces acteurs ? Un élu enseignant d’histoire sera tenté de protéger le patrimoine de sa commune, un architecte diplômé de Chaillot colorera ses PLU aux couleurs du patrimoine, un habitant sera lui plus sensible à des typologies de patrimoine, des séries, des lieux mémoriels, plus proches de lui.


Bruno Marmiroli réoriente le débat ensuite vers la salle, interrogeant les acteurs intermédiaires, agences et CAUE, sur leur rôle d’articulation.


Anne Marie Llanta, directrice du CAUE du Loir-et-Cher, revient sur la mission d’un inventaire du patrimoine XXe siècle, au CAUE 30, réalisé à la demande de la DRAC LR et de la Conservation régionale des Monuments historiques en amont du processus de labellisation. Elle ajoute l’exemple d’une commune qui a sollicité le secours du CAUE pour un inventaire du patrimoine en sus d’un bureau d’études non spécialistes, qui a permit d’identifier 45 maisons vigneronnes.


Mathieu Gigot rappelle les difficultés de moyens auxquels font face les bureaux d’études, qui emploient des stagiaires pour les inventaires, sans leur fournir de méthodologie. Cet état de fait produit des listes dont la qualité scientifique n’est pas mesurable.


Bruno Marmiroli constate que la question des moyens renvoie au temps nécessaire pour produire le PLU, parfois incompatible avec le temps politique. Il évoque la capacité du PLU comme outil politique de mise en projet du territoire. Le temps d’étude coûtant, les bases connues, les socles déjà validés sont réutilisées.


Pour Gabriel David, délégué de l’association Patrimoine Environnement de Loire Atlantique, le temps long de pédagogie est un temps de réappropriation, in fine utile, qui vient en remplacement de cette approche du patrimoine que l’on n’a pas acquis à l’école.


Christophe Boucher du CAUE Loire Atlantique rappelle qu’un PLU, ou PLUi, est un énorme travail pour l’élu. Le PADD est pour lui le temps de la prise en compte, par l’écriture, « pour que cela ne se perde pas en route ». L’identification préalable des patrimoines doit également être cartographiée pour une meilleure lecture : un patrimoine isolé donne lieu à des unicums, un secteur coloré à une zone avec éventuellement des gradations de couleur pour en figurer l’état.


Pour Alain Marinos, délégué national des Petites cités de caractère, il est essentiel de scénariser un processus en fonction du contexte avant de concevoir l’objet.


Thierry Pelloquet, directeur de Conservation départementale du patrimoine pour le Maine-et-Loire, qui mène notamment la mission de l’Inventaire avec l’État et la Région, rappelle que l’Inventaire, lancé par Malraux en 1964 était déjà une démarche participative. Des Régions comme la Bretagne aujourd’hui vont plus loin en associant des habitants, mais il note la limite de l’expertise atteinte par ce type de dispositifs. Il évoque leurs diagnostics patrimoniaux, documents synthétiques d’identification faisant suite à la démarche d’inventaire, à visée de porter à connaissance, notamment des élus, mais regrette avec quelques années de recul que peu de collectivités se soient appropriées ces éléments. Les sollicitations des collectivités sont nombreuses en termes d’ingénierie (35 par an en moyenne), auprès de la Conservation comme personne publique associée.


Vincent Veschambre revient sur la présentation d’un inventaire participatif à l’époque de Malraux qui lui semble inexacte. Celui-ci apparaît plus comme un inventaire collaboratif de compétences. Pour lui, le participatif relève de ceux qui ne sentent pas légitime pour mener ce type de recensement. Le cas de Villeurbanne où l’inventaire participatif a été lancé en parallèle d’un inventaire professionnel, démontre la complémentarité des deux outils.


Rejoignant Julie sur l’importance de la culture des acteurs, Philippe de Lachapelle, architecte du patrimoine et chargé d’études urbaines, s’inquiète d’un temps de l’étude à l’échelle intercommunale, qui prévoit par exemple deux jours d’étude par commune. Il soulève également l’approche binaire, ministérielle, quant aux légendes des dernières cartographies de SPR présentant le patrimoine protégé et ce qui ne doit pas être protégé : une perte de richesse ?


Julie Marchand rebondit en posant un mot clé : la culture partagée. Une culture partagée par les experts, avec les habitants au moment de l’Inventaire, avec les élus au moment du PADD…Il est important de mettre en œuvre cette culture partagée pour l’habitant qui fait et défait le patrimoine à l’échelle de sa propriété. La relation au patrimoine est distanciée spatialement et temporellement pour ceux qui sont à son contact quotidiennement.

Sont appelés à s’exprimer sur leur rôle dans la démarche de PLU patrimonial les Architectes des bâtiments de France (ABF) et les animateurs de l’architecture et du patrimoine des Villes et pays d’art et d’histoire (VPAH), qui pour Julie Marchand, sont des acteurs de synthèse et de pédagogie.


Anne-Françoise Hector, ABF en Indre-et-Loire, intervient pour rappeler le rôle régalien de l’ABF avec la note d’enjeu pour le porter à connaissances au titre du Code de l’urbanisme, qui interpelle les élus sur les patrimoines à prendre en compte. Elle rappelle le rôle d’Adrienne Barthélémy à l’impulsion du PLU Patrimonial de la Riche dans un rôle d’animation des acteurs du territoire.


Gaëlle Pottier, chargée d’Inventaire au sein du PNR des Boucles de la Seine normande, opère à son tour un retour d’expérience sur une mission d’inventaire industriel sur la commune du Trait, où la conjonction des acteurs a permis l’identification de zones de protection dans le PLU. Pour les 100 ans de la création d’un chantier naval, et grâce à la présence d’une Cité-jardin, les élus ont lancé, avec la Maison de l’architecture de Haute-Normandie une résidence d’architectes qui a permis de sensibiliser les habitants à leur patrimoine, jusque-là mal perçu. Une collecte de mémoire a donné lieu à un abécédaire. Un inventaire de la Cité-jardin a conduit à une prise en compte assez fine du patrimoine de la commune. Cette démarche a interrogé les Cités-jardins à l’échelle de la métropole et pourrait conduire à la réalisation d’un SPR multi-sites.


Jacky Cruchon, expert de Sites et Cités remarquables de France, explique que moins de la moitié des animateurs des VPAH sont associés aux démarches de planification urbaine. C’est ce qui a motivé l’association à faire voter au Sénat un amendement intégrant à la loi l’obligation de médiation et de participation citoyenne. Dans la pratique, d’après l’enquête menée par Sites et Cités remarquables de France, les villes dotées de SPR n’ont pas développé ce type d’outils, encore moins à l’échelle de l’intercommunalité.


Il s’interroge par ailleurs sur le passage de la production de connaissance à la réglementation, par le biais de ce qu’il se représente comme un entonnoir pour sortir vers le projet urbain. Il questionne les compétences en place, sont-elles suffisantes ?


Un habitant angevin prend la parole pour expliquer son expérience de sensibilisation au patrimoine, en travaillant près d’un patrimoine industriel près de Nantes, une tour à plomb. Il regrette l’absence de culture des élus et les rapports de force avec le monde associatif désireux de préserver le patrimoine. Il ajoute qu’il manque dans la prise en compte des enjeux exposés, les enjeux financiers qui font défaut, et le coût de l’entretien du patrimoine protégé.


Bruno Marmiroli résume le propos : les contraintes de temps, les contraintes d’agenda politique et les contraintes de moyens afférents sont des freins à la concertation des acteurs et au débat.


Alain Marinos rappelle que les PLU Patrimoniaux ont été inventés par le Ministère de la Culture, sans consultation du Ministère de l’Urbanisme, en transférant les compétences en patrimoine architectural, urbain et paysager sans transfert de moyens. Or, le PLU patrimonial a un coût.


Pour Françoise E., architecte de la Ville d’Angers sur le patrimoine du XXe siècle, l’habituation du citoyen à son territoire peut constituer un frein à la reconnaissance du patrimoine de manière objective.


Charlotte Saint-Jean, animatrice de l’architecture et du patrimoine à Plaine Commune revient sur l’engagement pris par le territoire labellisé VPAH de sensibiliser les élus et les techniciens au patrimoine notamment à l’occasion de la révision des documents d’urbanisme. Elle rapporte l’exemple de l’annexe patrimoine qui a été construite avec les services des archives et ceux de l’urbanisme réglementaire.


Julie Marchand fait la synthèse des interventions précédentes, d’abord en intégrant au tableau des enjeux, un enjeu financier endogène, qui renvoie à la culture de l’élu et à son choix ou non de financer la prise en compte patrimoine, et un enjeu financier exogène, qui est une conséquence d’une décentralisation des compétences mal financées. Elle ajoute ensuite qu’outre la distanciation qui se créé pour l’habitant avec son patrimoine de proximité, le traumatisme de la destruction (à l’image du bombardement de Tours en 1944, ou du risque d’éventration du Vieux-Lyon en 1962) peut provoquer une réaction émotionnelle de l’habitant. Or aujourd’hui, sur le territoire communal, ou intercommunal, cet événement de la destruction se dilue dans le temps et ne trouve pas d’écho. Elle conclue en prolongeant le propos de Charlotte Saint-Jean, quant à la difficile synthèse de deux disciplines, l’urbanisme et le patrimoine, dont les "Chaillotains" sont les habilités.


Luc Bousquet, enseignant de l’Ecole d’architecture de Lyon, rapporte son expérience de chargé d’études au CAUE dans les années 2000. Il a constaté la priorisation des dépenses publiques donnée au fleurissement ou au budget fête du 13 juillet. L’Etat ne les accompagnaient pas non plus, financièrement, dans leur démarche de POS en PLU.


Mathieu Gigot interroge la salle sur l’avancement de la démarche d’identification des patrimoines à l’échelle intercommunale et sur la méthodologie mise en œuvre.


Carole J., architecte urbaniste, collaboratrice de Bernard Wagon, revient sur la distance et le regard nouveau que porte le chargé d’études sur un territoire, et sur son rôle pédagogique auprès des élus. Pour elle, la dérive de l’intercommunalité conduit à une pédagogie accrue envers les instructeurs. Des territoires plus vastes, aux patrimoines très différents, sont parfois lissés au moment de l’instruction, qui recherche une simplification réglementaire. « On nous dit faites des OAP, mettez plutôt des recommandations ». L’identification du patrimoine est alors annihilée.


Claire Pryet, historienne de l’architecture, évoque son expérience au sein d’un UDAP, dans l’accompagnement d’une intercommunalité de 54 communes pour la création d’un PLUi. Elle insiste sur le rôle de la note d’enjeu du Préfet au moment du porter à connaissances, qui pour elle, constitue un moment fort de la pédagogie auprès des élus, pouvant conduire parfois jusqu’à une marche arrière et une reprise du PADD. L’aplanissement de l’identification qu’elle constate également dans le cadre d’un PLUi pourrait-il être contrecarré par la « zone d’intérêt patrimonial » expérimenté par le PLUi du Grand Lyon ?


Hélène B., architecte au CAUE, explique l’inversion de la planification qui se joue en territoires ruraux, de l’étalement urbain au recentrage sur les bourgs. Le patrimoine bâti, les maisons de bourg, les rues sont alors impactées. La pression induite ne risque-t-elle pas d’endommager l’identité de ces territoires et de tendre vers une forme de banalisation ?


Amauric Krid, chargé d’étude PLUi à l’Agence d’urbanisme des agglomérations de Moselle, aborde la transition qu’il observe dans le passage du PLU au PLUi, quant à la qualité de discussion avec l’élu et le temps d’étude du territoire. La contrainte budgétaire questionne ce temps dans le cadre d’un PLUi et le degré d’investissement du chargé d’étude. Le rôle de l’agence est de sensibiliser les élus avec un premier niveau de protection, même faible, qui peut servir de base aux élus sensibles à venir pour approfondir.


Bruno Marmiroli conclut le débat en proposant une réflexion sur l’identification d’un patrimoine intercommunal qui pourrait être le fruit du changement d’échelle.

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